Certaines questions divisent la population et celles relatives à notre consommation de viande en font indubitablement partie. Entre nécessités écologiques, morales ou sanitaires, les arguments mis en avant par les végétariens, véganes ou flexitariens sont nombreux. Ceux prônés par les partisans de la viande le sont tout autant. Dès lors que faire ? Qui croire ? Faut-il arrêter de manger de la viande ?
Les questions relatives au végétarisme ou véganisme n’ont jamais été aussi prégnantes dans nos sociétés. Associations, militants, campagnes publicitaires, etc. : manger ou non de la viande ne cesse de faire parler, mais aussi consommer. Supermarchés, restaurants ou encore fast food ne s’y trompent pas et l’alimentation végétarienne et vegan est aujourd’hui devenue à la mode. Un mode de consommation alternatif nécessaire ou juste un effet de mode ?
Si 2,5 % seulement de la population a adopté un régime 100 % végétarien, les consciences se sont éveillées et une question demeure : faut-il arrêter de manger de la viande ? Si réduire le débat à cette simple interrogation peut paraître réducteur et simpliste, le fait est que celle-ci résume bien la situation actuelle. Pour preuve, un sondage de l’Observatoire Cetelem de 2020 laisse entendre que manger de la viande est devenu un plaisir coupable pour près d’un tiers des Européens. En France, 83 % affirment vouloir réduire leur consommation. La viande est-elle pour autant en train de tomber en disgrâce ? Si l’on se fit à la consommation actuelle ce n’est pas vraiment le cas. Chaque année, les Français mangent 86 kg de produits carnés par personne. Pour savoir ce que cela représente, Antoine Rochard, chargé des questions alimentaires à la fondation GoodPlanet, donne un exemple pour le moins concret : « selon le WWF, un Français consomme dans sa vie 7 vaches, 9 moutons, 33 porcs et 1300 poulets ». Est-ce trop ? Même si la consommation diminuait légèrement elle resterait bien supérieure à la moyenne mondiale qui avoisine les 34 kg par habitant chaque année.
Président du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat qui venait de recevoir le prix Nobel de la Paix) en 2008, Rajendra Pachaury conseillait de revoir notre consommation. « Au début, renoncez à manger de la viande un jour par semaine, et ensuite cessez graduellement votre consommation ». Un acte militant selon lui puisqu’il permettrait de lutter contre le réchauffement climatique. Si la consommation de viande n’a pas cessé de croître depuis le siècle dernier (passant de 70 millions de tonnes en 1961 à 330 millions en 2018), les études attestant de la nocivité de sa production sur l’environnement ont elles aussi augmenté. Il est désormais impossible d’ignorer que l’élevage industriel de viande n’est pas sans conséquence. Responsable de 14 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, l’élevage de bétail cause également 80 % de la déforestation amazonienne. Autre donnée : 75 % des terres agricoles servent à nourrir du bétail plutôt que des humains. Un dernier chiffre que certains contestent au titre que l’intégralité de ces 75 % de terres ne pourrait être cultivable.
Mais outre les considérations écologiques, l’alimentation carnée soulève également des questions morales. Boucheries vandalisées ou vidéos chocs tournées dans des abattoirs, les groupes militant pour la défense de la condition animale multiplient les actions. S’il ne s’agit pas de questionner les méthodes, les interrogations relatives aux conditions d’élevage et d’abatage industriel de millions d’animaux ne peuvent laisser indifférent. Si l’on y ajoute les craintes suscitées par les scandales sur l’origine de la viande, c’est bien notre manière de consommer qui crée le débat. Un débat que l’on peut facilement résumer à, nous, occidentaux, consommons-nous trop de viande ? Longtemps associée à la richesse, la consommation de viande cristallise les inégalités entre les populations et les disparités entre classes sociales. Alors que 820 millions de personnes souffrent de malnutrition, une part toujours plus importante de la production céréalière se destine à l’élevage. Quant aux inégalités au sein d’une même société telle que la France, il est difficile de nier la différence de consommation entre deux personnes au capital économique et social opposé. En 2017 une étude de l’Anses mettait justement en exergue le fait que les habitudes et modes de consommation alimentaires des Français sont un miroir des inégalités sociales. Si les individus qui se sont arrêtés au primaire ou au collège consomment plus de viande que ceux ayant un Bac +4 et plus, ils mangent surtout de la viande de moins bonne qualité.
Antoine Rochard, chargé de projets transition agroécologique et alimentaire à la fondation GoodPlanet souligne cette dualité entre prise de conscience et habitude. Inscrite dans notre culture alimentaire, la viande se consomme également davantage en raison d’un prix à la baisse. « Ce [le prix de la viande, NDLR] dernier a été complétement cassé par l’élevage industriel qui a permis d’avoir une viande à bas coût. De fait, la viande se retrouve partout au restaurant, dans la restauration collective ou encore au supermarché ».
Mais qu’en est-il de la santé ? Comme tout il s’agit en réalité de ne pas en abuser. « La viande contient des déchets, comme l'urée ou la créatine, qui à trop haute dose fragilisent les reins […] la surconsommation de viande a un effet acidifiant sur le corps, et modifie son pH interne et entraîne un vieillissement prématuré des cellules », expliquait à 20 minutes Raphaël Gruman, nutritionniste à Paris. S’il ne faut pas s’en gaver, la consommation de viande n’est pas pour autant nocive, au contraire. Les produits carnés ont de multiples vertus essentielles et en consommer une à deux fois par semaine est conseillé. « Elle fournit à l'organisme les protéines nécessaires pour entretenir la masse musculaire et lui apporte le fer dont il a besoin », explique le nutritionniste. Ne pas manger de viande peut surtout être à l’origine de carences. Il serait néanmoins faux de dire qu’il n’existe pas d’alternative pour s’en passer. Pour éviter l'anémie notamment, il est recommandé d’augmenter la consommation de lentilles et les fruits secs (amandes, noisettes et abricots secs), riches en fer. « Il est tout à fait possible de ne pas manger de viande, à condition de bien rééquilibrer ses apports alimentaires et de chercher dans d'autres aliments les bienfaits contenus dans la viande », conclut le nutritionniste.
Faut-il donc s’inquiéter de notre consommation de viande ? Il ne serait pas juste d’apporter une réponse manichéenne. Si l’élevage intensif est aujourd’hui un mal de nos sociétés en raison de son impact environnemental néfaste, un élevage plus mesuré n’est pas mis en cause. Il en va de même pour la consommation. Comme souvent il s’agit donc de consommer moins mais mieux. Un précepte qui n’est néanmoins pas facile d’appliquer selon le pays où l’on vit et la classe sociale dans laquelle l’on se trouve.
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