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Marché immobilier record en 2021 : faut-il s'en inquiéter ? Interview avec Sandrine Allonier

12 nov. 2021 Théophile Robert 145 vues

Le marché immobilier a encore marqué des records en 2021. Mais cela est-il vraiment un bon signe ? Comment l'interpréter ? Quels sont les risques ? L'investissement locatif est-il toujours intéressant ? Pour répondre à toutes ces questions, Assurland a interviewé Sandrine Allonier, porte-parole et directrice de la communication du courtier en ligne Vousfinancer.com.

Comment expliquer les productions de crédit record en 2021 ?

En effet, la production a été record cette année. En août 2021, sur les huit premiers mois de l'année 2021, la production de crédit a atteint 150,6 milliards d'euros hors renégociations, contre 118 milliards à la même période en 2020. C'est une hausse de 27,6 % en seulement un an, c'est énorme !

D'autant plus que cette production record n'est liée qu'à des transactions immobilières, puisqu'on ne regarde que la production hors renégociations. On a tout de même eu pas mal de renégociations en 2021, mais moins que les autres années, aux alentours de 10 à 15 %. On devrait dépasser les 1,2 millions de transactions immobilières en 2021, ce qui est également un record.

Ce phénomène est lié à plusieurs éléments. Premièrement des taux records. Ensuite, toutes les classes d'acheteurs ont été boostés cette année : primo-accédants, secundo-accédants qui profitent de la plus-value réalisée sur leurs biens avec la hausse des prix pour revendre et acheter plus grand, mais aussi les investisseurs. Ils restent très présents sur le marché car après une année 2020 compliquée, l'immobilier est plus que jamais considéré comme une valeur refuge.

2021 a également été une année post-Covid. Il y a eu un changement des habitudes de logement des Français et il y a eu un redémarrage de l'achat des résidences secondaires suite au confinement et au Covid.

Et ces records ont été produits dans un contexte de recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), théoriquement plus contraignantes depuis fin 2019, mais qui ont été allégées depuis 2021. Début 2021, nous sommes passés d'un taux d'endettement maximum de 33 à 35 % et d'une durée maximale d'emprunt de 25 à 25+2 ans quand il y a des travaux ou dans le neuf. Cela a pu donner un peu d'air au marché, d'autant plus que les banques ont une marge de flexibilité de 20 %. Pour un crédit sur cinq, elles peuvent donc sortir de ces recommandations.

Faut-il s'inquiéter des records du marché immobilier dans un contexte de crise et de baisse du pouvoir d'achat ?

Cela a eu un effet inflationniste très important sur les prix du marché, notamment depuis 2 ans. On observe des hausses de prix très significatives, notamment dans des villes moyennes. Il y a donc un risque que certains primo-accédants soient exclus de l'achat. Un écart pourrait se creuser entre ceux qui ont la possibilité d'acheter et ceux qui ne l'ont pas.

Sur 2 ans, l'évolution des prix dans certaines villes :

  • Saint-Étienne : +16 %
  • Reims : +14 %
  • Angers : +28 %
  • Nantes : +15 %
  • Rennes : +16 %
  • Lyon : +13 %
  • Paris : +3 %

On peut se demander si les primo-accédants pourront continuer à acheter dans ces villes moyennes et si on observera le même phénomène qu'à Paris, où il n'y a plus de primo-accédants. Les acheteurs y sont seulement des gens très fortunés.

Et si tous les classements sont au vert, c'est en partie car il y a eu un surplus d'épargne suite au Covid et au confinement. Beaucoup d'épargnants cherchent des placements rémunérateurs, ce qui peut créer un phénomène ressemblant à une bulle. Mais il faut rappeler que nous sommes dans une dynamique de reprise économique, ce qui peut expliquer que la confiance revient. Et la confiance est essentielle au marché. Pour qu'il ne s'effondre pas, il faut que cette confiance perdure. Tant que les acheteurs penseront que les prix continueront à augmenter, ils seront prêts à acheter à n'importe quel prix.

Pour autant, sur des villes comme Paris et Bordeaux, on constate un assagissement. Les gens ne sont plus prêts à acheter à n'importe quel prix. On a aussi un léger assagissement dans la production de crédit. Sur le mois de septembre, cette production est de 18 milliards d'euros hors renégociations, contre 23 milliards en août. Une telle production pour un mois de septembre représente un réel assagissement.

Les villes moyennes attirent toujours plus. Comment expliquer ce phénomène ?

Il y a un attrait pour les villes moyennes pour deux raisons. Premièrement, lors des confinements, les gens ont accordé plus d'importance à leur habitat car ils y ont passé plus de temps. Ils ont voulu gagner en espace et en qualité de vie. Or, dans les grandes villes comme Lyon, Paris ou Bordeaux, il est impossible pour beaucoup d'acheter une surface suffisante dans laquelle vivre. Dans le même temps, il y a moins la volonté de se rendre dans des banlieues avec des temps de transport élevés.

Il y a donc eu des changements de vie vers ces villes moyennes, qu'on appelle aussi « villes cathédrales » : Poitiers, Chartres, Tours, Bourges... Des villes qui avaient des prix trois à quatre fois plus faibles que ce que l'on trouvait dans des grandes villes. Cet écart de prix est particulièrement séduisant.

Il faudra voir si ce phénomène se poursuit. Mais désormais, ces villes sont victimes de l'inflation des prix de l'immobilier. Certains risquent d'être exclus de l'accès à la propriété car il devient difficile d'acheter dans des villes comme Rennes ou Nantes par exemple.

Risque-t-on de voir les prix monter fortement dans ces zones, en particulier à cause d'un déplacement de populations plus aisées venant des grandes villes ?

C'est déjà le cas, en particulier à cause d'un déplacement de populations plus aisées venant de principales métropoles, qui revendent souvent un appartement à des prix deux à trois fois plus élevés. Ils ont donc un pouvoir d'achat plus important et sont prêts à acheter à des prix élevés, car, en plus, ils connaissent mal le marché.

Quelle serait la conséquence du fait qu'une partie de la population soit exclue de l'achat dans ces villes moyennes ?

La conséquence serait que ces populations vont devoir s'éloigner dans les banlieues de ces villes. Ce qui est lié à des problème de coûts de transports, d'énergie... Cela pourrait recréer un phénomène « gilets jaunes ». La situation deviendrait similaire à ce qu'on peut trouver à Paris, avec des populations très aisées et peu de primo-accédants. Et une population « à deux vitesses » avec les banlieues.

D'autant plus que l'on pourrait observer un effet ricochet sur les villes proches comme à Nantes ou Bordeaux. Cela génère un éloignement toujours plus important des populations les moins aisées.

On constate une remontée des taux sur le mois d'octobre dans 60 % des banques qui nous ont envoyé un barème. Cette remontée est de l'ordre de 0,05 % à 0,25 %, ce qui peut donc être assez significatif. Par ailleurs, on note que les meilleurs profils bénéficient toujours de taux records, à moins de 1 % pour toutes les durées.

Les taux toujours plus bas ne représentent-ils pas un certain risque pour les banques et donc les emprunteurs ?

Pas forcément, d'autant plus que l'on constate une remontée des taux sur le mois d'octobre dans 60 % des banques qui nous ont envoyé un barème. Cette remontée est de l'ordre de 0,05 % à 0,25 %, ce qui peut donc être assez significatif. Par ailleurs, on note que les meilleurs profils bénéficient toujours de taux records, à moins de 1 % pour toutes les durées.

Les écarts de taux sont vraiment très élevés en fonction des populations et des emprunteurs. Finalement, les banques ajustent leurs marges et le risque en fonction des gens à qui elles prêtent. Par exemple chez une banque, les taux sur 20 ans vont de 0,85 % pour les meilleurs profils à 1,85 % pour les moins bons. Et personne ne va emprunter à 1,85 %, ce qui permet aux banques de rester compétitives uniquement sur les profils désirés et les plus rentables pour elles.

D'autant plus qu'au-delà du crédit, les banques demandent systématiquement la souscription de l'assurance emprunteur, la bancarisation, voire la souscription de l'assurance habitation, parfois la souscription de parts sociales. Elles ont aussi beaucoup augmenté les frais de dossier. Donc même si les taux sont bas, il y a quasiment systématiquement des frais de dossier qui vont de 500 euros jusqu'à 1 % du montant emprunté. Ce qui est assez significatif.

Et de toute façon, même si les banques réalisent des marges moins importantes sur le crédit immobilier, elles restent gagnantes. Car le crédit immobilier reste le moyen pour elles de placer leurs liquidités. En effet, le crédit offre le meilleur couple rendement/risque. Certes, le rendement est faible, mais le risque est également très faible. Le taux de défaut est très réduit en France. Par conséquent, il reste rentable de placer des liquidités via le crédit immobilier, beaucoup plus que de les laisser à la BCE, où le taux de dépôt est négatif. Ce qui signifie qu'elles doivent payer pour laisser leur argent à la BCE.

L'augmentation récente des taux a-t-elle un rapport avec la BCE ?

Nous pensons que ces hausses sont pour l'instant isolées et nous attendons de voir si elles vont se confirmer. Elles sont plutôt liées à la fin de l'année, où les banques ont déjà fait un certain nombre de dossiers. En fin d'année, elles peuvent remonter les taux, notamment sur certains profils car elles ont déjà atteint leurs objectifs. Et malgré tout, on reste sur des taux extrêmement bas.

Les prix baissent en assurance emprunteur grâce à une plus juste concurrence. Cela ne risque pas d'entraîner une augmentation d'autres coûts par les banques pour compenser ?

Non, nous en sommes loin. Globalement, sur l'assurance emprunteur, les banques essaient de placer leur assurance de groupe. Elles ont en effet ajusté leurs prix d'assurance groupe pour rester plus compétitives. Lorsque l'emprunteur souhaite faire une délégation d'assurance, la banque peut proposer en défensif une offre de délégation d'assurance interne, avec des tarifs plus compétitifs. Cela permet aux banques de continuer à obtenir la souscription de l'assurance emprunteur.

Aujourd'hui, ce marché reste largement en faveur des banques. Il n'y a donc aucune raison que cela soit compensé par une hausse des taux ou des prix d'autres produits. 80 % du marché est encore détenu par les banques sur l'assurance de prêt. Et si on considère leurs délégations internes, on atteint même 85 % environ.

Les recommandations du HCSF deviennent maintenant des règles, avec des menaces de sanctions. Qu'en penser ?

En effet, comme l'avait annoncé le Haut Conseil, ces règles sont devenues juridiquement contraignantes. Ce sera le cas à partir du 1er janvier 2022. Mais cela ne devrait pas tant changer les choses car, tel que l'a montré le HCSF dans son bilan publié en septembre, les banques ont globalement bien respecté les recommandations. La production hors recommandations est en moyenne et sur toutes les banques de 20,2 % au lieu de 20 %. Nous sommes donc quasiment dans les clous.

C'est plutôt du côté des investisseurs que les banques ont moins respecté parce que, théoriquement, dans ces 20 % de marge de flexibilité, 80 % doit être réservé aux acheteurs de résidence principale. Donc seulement 20 % de 20 % peut être dédié aux investisseurs. Ce qui donne 4 %. Dans le bilan, nous voyons que nous sommes un peu au-delà, entre 5 et 6 % de la production non-conforme. Et il faut prendre en compte l'abandon du calcul en différentiel, qui fait décoller les taux d'endettement des investisseurs potentiels. Les évolutions pour l'année prochaine devraient donc plutôt concerner les investisseurs.

Heureusement, les banques commencent à mettre en place des ajustements pour cette clientèle. Certaines prennent par exemple en compte 90 % des loyers perçus dans le cadre de l'investissement contre 70 % auparavant. Il en est de même pour les revenus variables. Avant, elles n'en prenaient que 50 % de la moyenne des primes et autres revenus variables, elles sont désormais passées à 80-90 %.

L'investissement locatif est-il toujours si rentable en 2021 ? Et qu'en sera-t-il en 2022 ?

Il est très complexe de répondre à ces questions car il y a différents types d'investissements locatifs. Il y a l'investissement de rentabilité : on achète peu cher et il y a peu de possibilités de plus-value, mais les loyers sont proportionnellement intéressants par rapport au prix d'achat du bien. Il y a aussi l'investissement patrimonial, comme lorsqu'on investit à Paris. D'un point de vue loyer, ce n'est pas rentable par rapport au prix d'achat. En revanche, il y aura une possibilité de plus-value.

Ce qui est certain, c'est que l'abandon du calcul en différentiel fragilise un certain nombre d'investisseurs. On aura donc moins de multi-investisseurs. Ou alors, il devront avoir un apport personnel plus conséquent, ce qui risque de baisser la rentabilité. Autrement, l'immobilier reste toujours une valeur refuge en France.

Ce qui est sûr, c'est que l'on s'attend encore à un marché immobilier très dynamique en 2022 avec une volonté des Français de devenir propriétaires, la poursuite des achats de résidences secondaires, mais à condition qu'il y ait un assagissement des prix, parce que ça ne pourra pas continuer comme cela.

Les Français ne semblent toujours pas se détourner de l'immobilier pour d'autres placements ?

C'est aussi la volonté via le HCSF de favoriser les acheteurs de résidence principale et non pas l'investissement locatif. C'est donc aussi une volonté du gouvernement de rediriger l'épargne vers de l'investissement productif comme le PER. Pour autant, les Français restent férus de « placements de bon père de famille », avec une aversion pour le risque. C'est pour cela que leurs placements préférés restent l'assurance vie, l'immobilier et le Livret A, qui sont (quasi) sans risque. Après, on a aussi vu que de plus en plus de gens se dirigent vers la bourse et même les cryptomonnaies, mais cela reste très marginal par rapport aux placements précédemment cités.

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