Durant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait proposé que les médicaments puissent être vendus à l'unité pour endiguer le phénomène de gaspillage en France. Le parlement est actuellement en train de se pencher sur la mesure, mais celle-ci divise grandement les professionnels du secteur de la santé.
D'après les chiffres donnés par l'Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments, un Français gaspille environ 1,5 kg de gélules par an. En effet, les Français sont de gros consommateurs de médicaments, même si d'après l'agence Santé publique France, la consommation d'antibiotiques a légèrement baissé dans l'Hexagone par rapport à l'an dernier. Sont écoulées chaque année en pharmacie pas moins de 3,1 milliards de boîtes de médicaments !
Et de toute évidence, tous ces médicaments ne sont pas consommés, dépassent leur date de péremption et sont parfois jetés alors qu'encore consommables, voire jetés dans le caniveau, polluant l'eau et les sols. Ainsi, dans le cadre de la loi anti-gaspillage, un amendement de la majorité conseille la vente à l'unité de médicaments pour endiguer le gâchis structurel.
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D'après l'Institut, la première cause du gaspillage « ne provient pas des conditionnements mais de prescriptions inappropriées et d'un mauvais suivi du traitement prescrit par des patients ». Et la vente à l'unité poserait des problèmes de traçabilité. En effet, les étiquettes d'identification sont collées sur les boîtes et il est impossible d'en appliquer sur chaque cachet ou gélule. Une solution serait possible : un emballage individuel pour chaque unité, un « blister » prédécoupé et « volant » dont le pharmacien fournit à chaque vente un numéro d'identification. Mais cela obligerait à repenser toutes les lignes de conditionnement, une tâche complexe et coûteuse pour les entreprises.
Par ailleurs, une directive européenne de février 2019 avait déjà demandé aux laboratoires pharmaceutiques de revoir leur système de traçabilité et de mettre en place une sérialisation par boîte et non plus par lots. Cette opération « a nécessité des dizaines de millions d'investissement sur les chaînes de production pour mettre en place des mécanismes de traçabilité et de sérialisation. Dix mois après, on va perdre ces efforts pour déconditionner les produits ? Cela n'a pas beaucoup de sens », déplore Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM (Les Entreprises du médicament).
En outre, les industries pharmaceutiques mettent en évidence un risque supplémentaire du conditionnement à l'unité : une complication de la procédure de rappel. Il faut aussi mettre en évidence l'intérêt informatif des boîtes, qui permettent d'y inscrire la posologie et les contre-indications, ainsi que de fournir une notice. Enfin, un dernier obstacle se pose au conditionnement à l'unité : l'environnement. En effet, ce dernier serait plus polluant et « énergivore » que le conditionnement actuel. « Ces blisters prédécoupés » […] sont susceptibles de générer 30% de déchets supplémentaires (aluminium et PVC) », indique le LEEM.
En tout cas, ce système est déjà en place dans quelques pays anglo-saxons tels que les États-Unis (distribution à l'unité dans des flacons de couleur orange ; les pharmacies reçoivent les médicaments en vrac) ou le Royaume-Uni, qui connaissent également des systèmes de santé plus libéraux. Cinq ans en arrière, Marisol Touraine, ex-ministre de la Santé avait expérimenté dans ce sens. Toutefois, « l'expérimentation de délivrance à l'unité de 14 antibiotiques, réalisée en 2014 dans 100 pharmacies françaises, n'a pas permis de confirmer une amélioration significative de l'observance », réfute le LEEM.
En ce qui concerne la mesure en question, le gouvernement prévoit de charger les pharmaciens de la gestion du nombre de médicaments délivrés aux patients. Pour le moment, seuls quelques antibiotiques sont concernés par l'éventualité d'une dispensation à l'unité.