L'annonce a provoqué une onde de choc dans le monde de la finance et de l'assurance. En votant l'élargissement de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) aux fonds en euros de l'assurance-vie, les députés ont déclenché la colère des assureurs et de plusieurs responsables politiques. Présentée comme une mesure de justice fiscale, cette réforme est perçue par ses détracteurs comme une atteinte à l'épargne des Français et un frein au financement de l'économie réelle.

Un amendement qui relance le débat sur la fiscalité du patrimoine

Vendredi 31 octobre, l'Assemblée nationale a adopté un amendement transformant l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI) en "impôt sur la fortune improductive". Proposé par le MoDem et soutenu par une alliance inédite (RN, PS, Modem, Liot), ce texte élargit la base de l'impôt aux objets précieux, cryptomonnaies, voitures de collection, œuvres d'art, yachts et, surtout, aux fonds en euros de l'assurance-vie.

Le principe est simple : taxer les capitaux jugés "improductifs", c'est-à-dire ceux qui ne financeraient pas directement l'économie réelle. Le taux envisagé est unique, à 1 %, et s'appliquerait aux patrimoines supérieurs à 1,3 million d'euros, avec une exonération partielle de la résidence principale jusqu'à 1 million d'euros.

Mais cette notion d'"improductif" suscite une levée de boucliers. Pour les assureurs, les fonds en euros n'ont rien d'inactif : ils représentent une part essentielle du financement de l'économie française, en soutenant à la fois les obligations d'entreprises et la dette de l'État.

Les assureurs dénoncent un "non-sens économique"

Le monde de l'assurance rejette en bloc cet amendement. "Les fonds euros financent l'économie productive et il est donc très étonnant de les retrouver dans un amendement sur la fortune improductive", s'insurge Paul Esmein, directeur général de France Assureurs.

Les chiffres donnent raison au secteur : 80 % des fonds en euros sont investis dans des obligations d'entreprises et d'État. À la mi-2025, 63 % des encours de l'assurance-vie étaient constitués de titres d'entreprises, contre 24 % d'obligations souveraines. Ces placements assurent la stabilité du marché et garantissent un financement continu de l'économie réelle.

Pour Gérard Bekerman, président de l'Afer, "L'impôt sur le patrimoine improductif est un non-sens économique. La formule marketing cache une imposture intellectuelle et économique : considérer que la fortune, parce qu'elle n'est pas risquée, serait inutile à la collectivité. Rien n'est plus faux. Ce qui est “improductif”, c'est cet amendement."

Il rappelle que les fonds en euros jouent "un rôle stabilisateur de l'épargne longue, celle qui amortit les crises, finance l'État, nos entreprises et protège les épargnants contre les aléas de la vie". Une position largement partagée par le secteur, qui redoute une perte de confiance des épargnants.

Une réforme encore incertaine mais déjà très contestée

Sur le plan politique, la mesure divise jusque dans les rangs de la majorité. Philippe Juvin, député LR et rapporteur général du budget, dénonce une "folie" :

"Avant, il y avait l'ISF, devenu IFI, et là, ils en ont refait un impôt sur la fortune, en y incluant les contrats d'assurance vie, ce qui est une folie", a-t-il déclaré sur LCI. L'élu critique le flou juridique du texte : "Les contrats d'assurance vie en compte euros et les produits financiers associés... c'est comme ça que c'est écrit, ce qui ne veut rien dire. Ce n'est pas suffisamment clair."

Selon lui, cette réforme enverrait un signal inquiétant aux épargnants. En s'attaquant à l'assurance vie, le gouvernement fragiliserait un pilier de l'épargne française, un placement à la fois populaire et essentiel au financement de la dette nationale. Une telle mesure, juge-t-il, risquerait de déstabiliser la confiance des ménages dans un produit qui soutient directement l'économie du pays.

Le texte doit encore franchir plusieurs étapes dans la navette parlementaire entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Sa mise en œuvre reste donc incertaine, tout comme son rendement budgétaire, estimé à 2 milliards d'euros selon le député socialiste Philippe Brun. 



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