Les violences urbaines à répétition ont fini par provoquer une réponse politique inattendue. Le Sénat a adopté, dans le cadre du projet de loi de finances 2026, un amendement instaurant une surprime obligatoire émeutes sur certains contrats d'assurance. Inspirée du régime des catastrophes naturelles, cette nouvelle garantie vise à mutualiser le coût des dégâts liés aux mouvements violents. Mais elle suscite déjà de vives critiques dans le secteur assurantiel.

Une réponse financière aux violences urbaines répétées

Gilets jaunes, émeutes urbaines après la mort de Nahel à l'été 2023, dégradations en marge de manifestations agricoles ou sacre du PSG en Ligue des Champions : ces dernières années, aucun grand rassemblement n'échappe aux destructions. Les chiffres avancés par les pouvoirs publics donnent la mesure du problème. Les émeutes de juillet 2023 ont coûté 730 millions d'euros, tandis que celles survenues en Nouvelle-Calédonie au printemps 2024 ont approché le milliard d'euros.

Jusqu'à présent, l'indemnisation de ces sinistres reposait presque exclusivement sur les assureurs privés. Or, selon le gouvernement, cette situation fragilise l'assurabilité de certains territoires. L'amendement déposé discrètement le 8 décembre au Sénat souligne que "depuis 2018, les dommages causés en France par des émeutes ont été particulièrement importants" et que "les réassureurs et les assureurs ont durci les conditions de couverture de ce risque partout sur le territoire".

Pour y répondre, l'exécutif propose la création d'un fonds dédié, financé par l'ensemble des assurés via une surprime obligatoire, sur le modèle de celles existant pour les catastrophes naturelles ou le terrorisme.

Une surprime de 5 % qui alourdirait les contrats

Concrètement, la surprime émeutes s'appliquerait aux contrats garantissant les dommages aux biens situés en France. Pour les particuliers, cela concerne principalement les assurances multirisques habitation et les contrats auto intégrant une garantie dommages ou incendie. Les entreprises seraient également mises à contribution.

Le taux envisagé atteint environ 5 % de la prime d'assurance dommages pour les grands risques. À titre d'exemple, pour une prime dommages de 100 euros, la surprime catastrophes naturelles représente déjà 20 euros, celle liée au terrorisme 16 euros. L'ajout de la surprime émeutes porterait ce montant à 5 euros supplémentaires. En intégrant les taxes sur les conventions d'assurance, évaluées à environ 9 %, la facture finale grimperait à 154 euros.

"Autrement dit, plus d'un tiers de la prime ne sert plus à assurer le risque", dénonce l'Amrae dans L'Argus de l'automobile, qui parle d'une anomalie économique. L'association rappelle que l'assurance dommages représente déjà près de 42 milliards d'euros par an et estime "qu'il n'existe pas aujourd'hui de difficulté structurelle pour assurer le risque émeutes en France".

Où commence l'émeute ? Une définition sous surveillance

Au-delà de la question financière, le texte soulève un débat juridique sensible : quand un événement devient-il une émeute ? L'amendement apporte une définition précise : "L'émeute est une action collective occasionnant des violences, dirigée contre l'autorité publique, exprimant une protestation ou visant à obtenir la satisfaction de revendications d'ordre politique ou social".

Une commission de qualification sera chargée de trancher au cas par cas, en tenant compte du nombre de participants, de l'ampleur des dégâts matériels et du dispositif de maintien de l'ordre mobilisé. Cette mécanique inquiète certains acteurs. L'Association des professionnels de l'assurance en France (Apref) alerte sur un possible conflit d'intérêts : l'État serait à la fois responsable du maintien de l'ordre et gestionnaire du fonds d'indemnisation.

L'Amrae, de son côté, juge que la mesure "envoie un signal économique préoccupant. Elle suggère que le risque social deviendrait durable et structurel". Un message jugé alarmant, alors même que l'État a déjà dû indemniser certains assureurs, comme Allianz, à hauteur de 28 millions d'euros après les émeutes en Nouvelle-Calédonie.

Adoptée par le Sénat, la surprime émeutes doit encore franchir les prochaines étapes parlementaires. Si elle est confirmée, elle marquera un tournant majeur dans la manière dont la société française finance les conséquences des violences collectives, au prix d'une hausse quasi certaine des cotisations d'assurance pour des millions d'assurés.



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