Le projet de loi sur l'immigration a été présenté à l'Assemblée nationale ce lundi 27 novembre. Les sénateurs et sénatrices ont considérablement durci le texte initial au gouvernement. Parmi les mesures décriées : la suppression de l'aide Médicale d'État (AME) permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès aux soins. Les défenseurs du dispositif dénoncent une “hérésie humanitaire, sanitaire et financière”.
Un dispositif anti-appel d'air
Le dispositif de l'Aide Médicale d'État (AME), mis en place en 1999 a pour objectif d'offrir un accès aux soins aux étrangers en situation irrégulière, sous certaines conditions de ressources et pour une durée d'un an. Les bénéficiaires doivent résider sur le territoire national depuis au moins trois mois et gagner, pour une personne seule, moins de 9 719 euros par an, soit 810 euros par mois.
Mais la commission des lois du Sénat a récemment pris la décision de supprimer l'AME. Pour la droite sénatoriale, ce dispositif constitue un “appel d'air” à l'immigration illégale. Muriel Jourda, rapporteure LR pour la commission des lois, a estimé tout à fait normal de “débattre d'un dispositif dont les soins sont pris en charge dans notre pays et qui a 3 000 milliards d'euros de dette”.
“Les considérations financières ne sont pas neutres. Est-ce un appel d'air ? Ce qui est certain, c'est qu'on a bien envie de continuer à bénéficier du système français quand on a commencé à y goûter.”, déplore Muriel Jourda.
Une observation qui rentre complètement en contradiction avec les conclusions du pré-rapport Evin/Stefanini commandé par le gouvernement. Celui-ci souligne que 50 % des individus éligibles à l'AME n'y ont pas recours.
AME remplacée par l'AMU
L'AME sera alors remplacée par une Aide Médicale d'Urgence (AMU), marquant ainsi un changement significatif dans l'approche de l'accès aux soins pour cette population.
Cette nouvelle proposition prévoit une prise en charge très limitée, se concentrant sur le "traitement des maladies graves et des douleurs aiguës", les soins liés à la grossesse, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.
Par ailleurs, l'accès à cette AMU serait désormais soumis au versement d'un "droit annuel", dont le montant serait déterminé par décret. Cette réforme suscite des débats houleux quant à son impact sur la santé des étrangers en situation irrégulière et soulève des questions sur l'universalité de l'accès aux soins.
3 500 médecins menacent de désobéir
Cette disposition s'est heurtée à une très large désapprobation. Dans un appel transmis à l'Agence France-Presse (AFP) le 11 novembre, 3 500 médecins, tant salariés que libéraux, ont signé une "déclaration de désobéissance" si le dispositif venait à disparaître.
Ces professionnels de la santé s'engagent à "désobéir" et à "continuer de soigner gratuitement" ces patients si le dispositif venait à être supprimé, conformément au Serment d'Hippocrate qu'ils ont prononcé. Les initiateurs de cette déclaration, les Pr Antoine Pelissolo et Jean-Marc Baleyte, chefs de service en psychiatrie aux hôpitaux Henri Mondor de Créteil et au centre hospitalier intercommunal de Créteil, assurent qu'ils resteront indifférents aux conditions sociales, financières, à la langue et à la nationalité des patients.
"La déontologie prescrit le juste soin pour chaque personne qui me consulte. La sagesse dénonce la faute éthique et en passant l'erreur épidémiologique. Patients d'ici et d'ailleurs, ma porte vous est ouverte. Et le restera.” promettent les signataires.
À l'Assemblée nationale aussi cette mesure divise. En octobre dernier, Olivier Véran, l'ancien ministre de la Santé, avait manifesté un "vrai désaccord" avec le ministre de l'Intérieur. Le gouvernement quant à lui ne s'est pas prononcé et a simplement souligné que “mélanger les débats sur l'AME et ceux qui ont trait au contrôle de l'immigration est un non-sens.”
Le texte sera débattu à partir du 11 décembre à l'Assemblée nationale, où il devrait être à nouveau amendé, notamment par l'aile gauche du camp macroniste, qui cherche à rééquilibrer le texte.
La rédaction d'Assurland