Le gouvernement envisage de retirer l'ostéopathie et certaines médecines douces du périmètre des contrats responsables, qui couvrent 98 % des assurés. Une telle décision supprimerait la quasi-totalité des remboursements actuellement proposés par les complémentaires santé. Cette perspective soulève des questions de santé publique, de coût pour les patients et d'impact sur l'Assurance maladie, alors que l'ostéopathie reste très utilisée par les Français.

Des dépenses en forte hausse qui interrogent les complémentaires santé

Aujourd'hui, l'ostéopathie n'est pas incluse dans les garanties obligatoires des contrats responsables. Si les mutuelles la remboursent, c'est parce qu'elles ont choisi de l'intégrer librement via des forfaits. Deux rapports récents viennent toutefois bousculer cet équilibre.

Le Sénat constate une hausse spectaculaire des dépenses liées aux médecines douces : elles ont "quintuplé en huit ans" pour atteindre 1 milliard d'euros. Pour les complémentaires santé, ce poste pèse de plus en plus lourd dans la structure des coûts. Les parlementaires recommandent donc de sortir ces prestations du contrat responsable afin de recentrer les garanties sur leur objectif initial : la prise en charge du ticket modérateur et du panier 100 % santé.

Le HCAAM partage cette approche, estimant que certaines pratiques non conventionnelles "ne font pas l'objet d'une évaluation et d'un niveau de preuve suffisant". Le rapport souligne également la nécessité de réduire les dépenses considérées comme peu pertinentes afin d'alléger la pression sur les cotisations.

Concrètement, si cette exclusion entrait en vigueur, les mutuelles ne pourraient plus proposer de remboursement d'ostéopathie dans les formules responsables. Les assurés devraient alors souscrire un contrat additionnel, entraînant un surcoût.

Un risque de report vers le système de soins traditionnel

Les professionnels de santé alertent sur les conséquences immédiates pour les patients. L'Assurance maladie ne rembourse déjà pas l'ostéopathie : ce sont les forfaits mutualistes qui permettent aujourd'hui d'en financer une partie. Sans eux, les séances deviendraient entièrement à la charge des assurés.

Pour Philippe Sterlingot, porte-parole du syndicat français des ostéopathes, le risque est clair : "Plutôt que d'aller voir un ostéo, les patients iraient voir un kiné et un médecin. Cela conduirait à une inflation d'actes d'imagerie médicale puisque quand vous allez chez le médecin pour un mal de dos par exemple, le premier réflexe est de prescrire une radio". Les consultations et examens pourraient ainsi se multiplier, au détriment de l'objectif de maîtrise des dépenses.

Plusieurs élus soulignent également l'ampleur du recours à ces pratiques. Guillaume Lepers rappelle que 55 % des Français ont consulté un ostéopathe en cinq ans et que "82 % se déclarent opposés à son déremboursement". Selon lui, renoncer aux forfaits pourrait entraîner une augmentation des arrêts de travail et un recours accru aux antalgiques ou anti-inflammatoires.

Sophie Pantel estime que de nombreux patients seraient contraints "à se tourner vers des assurances supplémentaires coûteuses, voire à renoncer aux soins". Sandrine Josso ajoute que "la majorité des patients recourraient alors à des soins pris en charge par le régime obligatoire [...], ce qui aboutirait à une inflation de consultations, prescriptions médicamenteuses, examens complémentaires et arrêts de travail".

Une réforme qui soulève aussi des questions dans la fonction publique

La suppression du remboursement dans les contrats responsables compliquerait également la réforme en cours de la protection sociale complémentaire des agents publics. Certains cahiers des charges prévoient déjà l'intégration de pratiques non conventionnelles dans les garanties obligatoires. "Je vous renvoie au cahier des charges de l'Éducation nationale qui a inscrit l'éthiopathie dans les garanties obligatoires", rappelle Séverine Salgado, directrice générale de la Mutualité française.

Pour les mutuelles gérant ces contrats collectifs, un changement de règles entraînerait une nouvelle adaptation des offres, alors même que les agents cotisent pour des prestations spécifiques jugées nécessaires lors des négociations.

Dans les prochains mois, l'exécutif devra arbitrer entre maîtrise des coûts, accès aux soins et cohérence des dispositifs mutualistes. Une décision qui pourrait profondément modifier le paysage du remboursement des médecines non conventionnelles et les habitudes de millions d'assurés.



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