Alors que les voitures électriques gagnent du terrain en France, une nouvelle fiscalité se profile à l'horizon : une taxe au kilomètre parcouru. Inspirée de modèles étrangers, cette mesure permettrait de compenser l'effondrement des recettes liées aux carburants. En coulisses, l'État prépare déjà sa riposte fiscale.

Un gouffre budgétaire à combler

La transition vers la voiture électrique, encouragée depuis des années par les pouvoirs publics, entraîne un effet secondaire inattendu : un effondrement des recettes fiscales. En France, la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques) représente 30 milliards d'euros par an, dont plus de la moitié alimente directement les caisses de l'État. Or, cette manne fond à vue d'œil avec la baisse de la consommation de carburants. En 2023, elle a reculé de 2,6 % et de 0,4 % supplémentaires en 2024.

D'après la Direction générale du Trésor, cette perte pourrait atteindre 13 milliards d'euros dès 2030 et l'intégralité des recettes pourrait disparaître à l'horizon 2050. "L'État ne peut pas laisser filer ça sans réagir", analyse François Lenglet sur RTL. Dès lors, une fiscalité alternative devient une évidence, notamment pour les véhicules électriques qui, aujourd'hui, échappent à toute contribution sur leurs déplacements.

Le Royaume-Uni, qui appliquera dès avril 2028 une taxe de 3 pence par mile (environ 2 centimes d'euro par kilomètre), sert de modèle. Cette redevance pourrait rapporter près de 2 milliards de livres par an et s'appliquer via le contrôle technique annuel. En France, ce dernier est biennal, ce qui complexifierait le déploiement. Une adaptation du dispositif serait donc nécessaire.

Une mesure aux contours encore flous

Si la taxation au kilomètre semble inéluctable, sa mise en œuvre reste semée d'embûches. Plusieurs solutions sont sur la table pour mesurer les distances parcourues : lecture annuelle du compteur lors d'un passage en centre agréé, boîtiers télématiques embarqués ou transmission des données par les constructeurs. Chacune soulève des questions de fiabilité, de faisabilité et surtout de respect de la vie privée.

"Le débat promet d'être houleux", préviennent les observateurs, en rappelant le fiasco de l'Écotaxe en 2014. Par ailleurs, le gouvernement reste silencieux. Aucun calendrier officiel n'a été annoncé, et aucun texte législatif n'a encore été déposé. Pourtant, les signaux se multiplient : les experts en fiscalité et les économistes spécialisés dans la mobilité convergent vers cette même conclusion.

Le journaliste François Lenglet l'affirme : "Il est très probable qu'une nouvelle contribution spécifique sur les voitures soit créée." Il rappelle aussi que "dès qu'il y a une nouvelle activité, l'État sort le marteau fiscal", comme ce fut le cas dès 1928 avec les premières taxes sur le carburant.

Une équation complexe entre fiscalité et transition écologique

Pour les automobilistes, l'arrivée d'une telle taxe changerait radicalement la donne. À raison de 2 centimes par kilomètre, un conducteur parcourant 15 000 km par an paierait environ 300 euros. C'est moitié moins que ce que verse aujourd'hui un automobiliste roulant à l'essence ou au diesel, mais l'écart pourrait se réduire à mesure que les coûts de recharge augmentent. En Alsace d'ailleurs, une redevance de 15 centimes par kilomètre pour les poids lourds entrera en vigueur en 2027. Ce précédent régional pourrait poser les bases d'un futur dispositif national.

Si cette taxe réduit l'attractivité financière de l'électrique, elle risque aussi de ralentir la dynamique de conversion du parc. "Cette nouvelle taxe risque de réduire la demande de voitures électriques, car elle augmente le coût total de la possession", alerte l'OBR (Office for Budget Responsibility) britannique, qui anticipe 440 000 ventes de véhicules en moins d'ici 2031.

Un paradoxe pointé du doigt par les automobilistes français, déjà désabusés face à une fiscalité perçue comme toujours plus punitive. "L'État sait reprendre dans une poche ce qu'il donne dans l'autre", ironise un article. En effet, le bonus écologique accordé à l'achat d'un véhicule électrique pourrait rapidement être absorbé par cette nouvelle taxe.

Pour autant, la logique économique semble imparable. Puisque tous les véhicules, électriques ou non, usent les routes, leur contribution paraît inévitable. Comme l'affirme un responsable britannique : "Puisque toutes les voitures contribuent à l'usure de nos routes, je veillerai à ce que les conducteurs soient taxés en fonction de leur kilométrage annuel, et non pas seulement du type de véhicule qu'ils utilisent."



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